Un an après sa condamnation dans une affaire d’escroquerie et de fraude fiscale, l’ancien maire de la ville Ouidah, Sévérin Adjovi, est toujours sous le choc. Dans une interview accordée à un média de la place, l’ex-ministre a donné sa version des faits, dans ces dossiers qui l’ont jeté dans les griffes de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet).
« Je suis toujours scandalisé, je me pose toujours des questions », a lancé Sévérin Adjovi, interrogé un an après sa condamnation par la Criet. Pour l’ancien de la ville de Ouidah, il a fait les frais d’une ruse politique par le biais d’une affaire « purement privée ».
En quoi j’ai été un escroc ? Dans une affaire privée mais purement privée où on m’a escroqué dans mon pays. Ce sont les autres qui sont venus m’escroquer et maintenant l’Etat s’arrange pour prendre la plainte de mon partenaire pour me condamner à 7 ans pour me faire taire définitivement, pour que je ne parle plus de cette affaire. C’est ça le but.
Sévérin Adjovi
Dans les deux dossiers ayant conduit à sa condamnation, Sévérin Adjovi dit ne rien se reprocher. Sur chacun des deux dossiers, il a exposé sa vérité des faits.
La fraude fiscale et préjudice subi par l’Etat…
Dans ce premier dossier, on retrouve la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles (SARCI Sarl) et TELECEL BENIN SA. Selon les explication de Sévérin Adjovi, co-fondateur de TELECEL BENIN SA, tout a commencé par un redressement fiscal notifié à SARCI par acte n°1020/MEF/DC/SGM/DGID/DGE/SA-2 en date du 16 Novembre 2007 de la Direction générale des Impôts et des Domaines (DGID).
En effet, la SARCI Sarl est une société de Sévérin Adjovi, actionnaire de TELECEL BENIN SA. N’arrivant plus à mener ses activités sociales ordinaires, la SARCI a notifié à la Direction générale des Impôts et des Domaines (DGID) sa cessation d’activité en vue de ne plus être imposée sur cette activité désormais inexistante.
Entre-temps, la TELECEL BENIN, directement ou par le biais de l’autre actionnaire, ATLANTIQUE TELECOM, a versé à la SARCI des dividendes au titre des exercices finissant au 31 décembre des années 2003, 2004, 2005 et 2006 pour un montant total de deux milliards quatre cent quatre-vingt- deux millions quatre-vingt-quatre mille sept cent soixante-dix-huit (2.482.084.778) F.CFA.
Sévérin Adjovi
De la compréhension du régime fiscal des dividendes dont la distribution est assurée par une société à ses actionnaires, laquelle est fondée sur sa lecture des dispositions du Code Général des Impôts, les dividendes reçues par la SARCI de TELECEL BENIN n’étaient plus imposables, la TELECEL BENIN distributrice devant avoir réglé tous les impôts y attachés avant distribution. Malheureusement pour Sévérin Adjovi, la DGID n’avait pas vu les choses de cette façon ; d’où le redressement fiscal de novembre 2007.
Redressement fiscal confirmé…
Malgré ses contestations, le redressement fiscal a été confirmé par acte 1081/MEF/DC/SGM/DGID/DGE/SA-2 en date du 28 Décembre 2007. S’en est suivi une série d’action de recours. « Un recours administratif en date du 08 Janvier 2008 adressé au Ministre de l’Economie et des Finances ensuite par une requête introductive d’instance devant la Cour Suprême en date du 12 Décembre 2008 », a précisé Sévérin Adjovi.
Le 20 octobre 2011, la Cour Suprême, aux termes de son arrêt N°2009-04/CA, après un examen dans la forme, a déclaré le recours de la SARCI irrecevable, « au motif que cette dernière était forclose pour le recours juridictionnel ayant laissé s’écouler plus de six (06) mois entre le recours administratif et celui-ci ». « Cette décision d’irrecevabilité a mis un terme au contentieux fiscal entre la SARCI et la DGID« , a ajouté Sévérin Adjovi.
De ses clarifications, il est à retenir que le point d’achoppement entre la SARCI et la DGID est moins sur le recouvrement forcé de l’impôt que sur son assiette. Sévérin Adjovi fait savoir que la SARCI contestait la nature imposable des sommes reçues de TELECEL BENIN, la nature des impôts auxquels seraient assujetties ces sommes selon la DGID et leur liquidation.
La SARCI n’a rien entrepris d’illégal contre le recouvrement forcé de l’impôt une fois implicitement confirmé par la décision d’irrecevabilité de la Cour Suprême. C’est sur ces faits et dans ces conditions où la SARCI se sait obligée au paiement des impôts et que la DGID a toutes les garanties de recouvrement que la poursuite pour fraude fiscale est exercée contre moi.
Sévérin Adjovi
Ce que dit Sévérin Adjovi sur le dossier d’escroquerie…
Dans le second dossier, Sévérin Adjovi a été épinglé pour escroquerie. Ici encore, l’ancien ministre de Mathieu Kérékou, clame son innocence. Il s’agit dans ce dossier domaine de terre de superficie 8.834 m2 sis à Godomey, commune d’Abomey Calavi, immatriculé au livre foncier de Cotonou sous le TF N°68.
Je suis propriétaire d’un domaine de terre de superficie 8.834 m2 sis à Godomey, commune d’Abomey Calavi, immatriculé au livre foncier de Cotonou sous le TF N°68. Par acte en date du 28 Février 2006, établi par le notaire Moïse ATCHADE, notaire désigné par l’acheteur, j’ai vendu une partie du domaine objet du TF N°68 de superficie 2.899 m2 à TELECEL BENIN.
Explique-t-il.
Selon Sévérin Adjovi, le domaine, se trouvant dans dans l’emprise de l’échangeur de Godomey, avait été recensé avec le TF N°68 dont il est titulaire, lequel ne comportait encore, en cette période, aucune mention de la vente consentie à TELECEL BENIN, donc de diminution de sa superficie. Il explique cet état de chose par le fait que le morcellement et la distraction du TF N°68 de la partie vendue, n’étaient pas encore intervenue au moment de la procédure de recensement.
Précise-t-il.
La portion de terre vendue à TELECEL BENIN n’ayant pas encore fait l’objet d’un Titre Foncier distinct, elle ne pouvait exister et être distinctement prise en compte dans le cadre du recensement des propriétés subissant l’expropriation.
Sévérin Adjovi explique qu’après le recensement sus indiqué, sur la base des données recueillies à cette occasion, et sans son concours, la commission d’indemnisation mise en place dans le cadre des expropriations en vue de la construction de l’échangeur de Godomey, a évalué l’indemnisation de l’expropriation du TF N°68 par mètre carré de superficie et le lui a reversé en tant que titulaire recensé dudit titre foncier.
Sévérin Adjovi
Ni la commission d’indemnisation ni moi-même n’étions au courant, à cette période, de l’existence du titre foncier N°7545 créé pour le domaine de TELECEL BENIN seulement le 06 Mai 2008.
Dans l’impossibilité de délivrer à TELECEL BENIN la portion de l’immeuble à elle vendue, Sévérin Adjovi réfléchissait à la bonne option à prendre, quand un litige éclate entre l’actionnaire majoritaire de TELECEL BENIN, ATLANTIQUE TELECOM et TELECEL BENIN, et d’autre part la SARCI et lui-même sur la répartition des actions et les droits qui y sont attachés.
Il fait savoir que le litige est toujours en contentieux, mais, entre-temps, a entraîné la dissolution de la TELECEL BENIN dont la liquidation des biens est en cours. Sévérin Adjovi pense que, détenant avec la SARCI, dont il est l’associé unique, la moitié des actions du capital social de TELECEL BENIN, l’actif SAIN de cette société après liquidation devait lui revenir dans la même proportion. Se basant sur ça, il estime que le remboursement du prix de vente de la parcelle non délivrée en raison de l’expropriation allait se faire juste par compensation de créances. « C’est dans ces conditions, et dans le contexte de mon évacuation sanitaire, que la poursuite pénale pour escroquerie au préjudice a été engagée contre moi », a-t-il déploré.
« Aujourd’hui je suis livré à moi-même… »
En exil, depuis sa condamnation, Sévérin Adjovi pense qu’il est victime de manœuvres politiques visant à l’exclure de son pays. Il dit avoir une vie politique exemplaire et ne mérite pas le sort qu’il subi aujourd’hui. « Aujourd’hui je suis livré à moi-même et je me retrouve ici dans cet endroit alors que dans la réalité j’ai essayé de vivre ma vie politique de façon exemplaire », a-t-il dit.
Pour rappel, Sévérin Adjovi a été condamné le 30 juin 2020 par la Criet, à 7 ans de prison et est sommé de payer aux sociétés Etisalat et Télécel Bénin, toutes deux parties civiles, respectivement la somme de 500 millions FCfa et 200 millions F Cfa à titre de dommages-intérêts. Il a été poursuivi pour fraudes fiscales, blanchiment de capitaux et escroquerie.